Après les lanceurs d’alerte, ce sont les trolls qui réclament aujourd’hui un statut juridique leur permettant d’être couverts lorsqu’ils partagent des photos de chatons ou mentionnent les seins de Nabilla en plein milieu d’un débat sur la Syrie.
« Trolls de guerre ! », « Troll de drame ! »… À l’image de ceux qui les brandissent, les pancartes trollent le mauvais goût devant le Parlement Européen où une centaine de trolls se sont donnés rendez-vous pour manifester et faire état de leurs revendications. Si l’un a préféré critiquer la couleur de notre cravate, si un autre a préféré nous répondre en glapissant des XD et des MDR tout en sautillant sur place les pieds joints, un troisième troll a accepté de s’entretenir avec nous à condition qu’on le laisse retirer son pantalon.
« Nous autres trolls sommes nécessaires à l’écosystème d’Internet. Sans nous, la Toile serait une machine à vendre du porno et des publicités, dans laquelle des médias gratuits essayent de refourguer de la merde et des agences matrimoniales 3.0 prétendent vous faire rencontrer la femme de vos rêves. Grâce à nous, la Toile est exactement ça, plus les trolls. »
« Les gens nous détestent, mais ils oublient qu’ils ont tous, un jour ou l’autre, trollé quelqu’un sur le Net. On est toujours le troll de l’autre ! » déclare un autre troll, arborant fièrement un t-shirt « j’emmerde les trolls » au milieu de la manifestation des trolls.
Pascal Veyé, sociologue et spécialiste des mythologies nordiques, confirme : « Les plus grands trolls sont ceux qui n’ont pas conscience d’en être un. Telle personne qui ne peut s’empêcher de commenter d’un ton docte la géopolitique du monde, ou plus simplement un article lu de travers, telle autre qui se sent contrainte de reprendre chaque faute de grammaire de chacun de ses contacts Facebook, ou de commenter chaque nouvelle polémique de Touche pas à mon poste… Le troll est en chacun de nous. En chaque internaute, il y a un troll qui sommeille. »
Alors, demain une loi spécifique pour protéger les trolls ? Tous semblent unis derrière cette idée, soutenue par le député européen Claude Source qui fait valoir la grande qualité et la spécificité culturelle que représente le troll français. « En France, on n’a pas d’idées, mais on a des trolls ! », déclarera-t-il devant les manifestants qui ont refusé de l’applaudir à moins qu’il ne retire ses chaussettes.
Après des échanges tendus avec les forces de l’ordre, qui ont notamment essuyé quelques jets de hashtags et des slogans en Comic Sans MS, la manifestation s’est finalement dispersée dans le calme, les trolls ne laissant derrière eux que leurs déjections habituelles tout en se plaignant d’être des incompris.