Depuis le début de la matinée, nous attendons un coup de téléphone d’Emmanuel Macron, un tweet de félicitations de Donald Trump ou, au moins, une manifestation spectrale de Nelson Mandela. Car, en ce mercredi 3 janvier 2018, le Never Trust fête ses dix ans. Inutile de dire qu’au sein de la rédaction, l’émotion est palpable et la frénésie à son comble. Ainsi, notre collègue Ornott Toubi a mis des chaussettes rouges, juste pour marquer le coup. Et notre vieil ami Ronald Pacemaker a reporté d’une semaine son infarctus pour se trouver parmi nous.
Comment fêter dignement un si grand événement ? La question nous taraude depuis plusieurs semaines, mais nous avons été trop feignants pour accoucher du moindre début d’embryon de réponse. C’est notre camarade Thenor Fulimate qui a trouvé la solution, pointant fièrement un doigt victorieux sur le calendrier Clara Morgane de l’année 2018, et proclamant à la face d’un monde encore endolori du réveillon : « Bah, ça tombe un mercredi, y a qu’à faire une pin-up et puis c’est marre ! »
Mais comment faire pour être drôle en parlant de soi ? Le mieux est encore de ne pas essayer. Ainsi que chacun le sait, et nos millions de lecteurs quotidiens peuvent en témoigner, le Never Trust est un média profond et exigeant. Le bon goût et la distinction est notre marque de fabrique. Aussi, puisqu’il n’y a rien de moins drôle que de parler de l’humour, appliquons-nous à refuser toute gaudriole à l’heure où il convient de nous rendre hommage à nous même, puisque Macron n’appelle toujours pas, fais chier.
Rappelons simplement quelques faits historiques. À l’origine, le Never Trust a été fondé sur Over-Blog par les services secrets guatémaltèques. Picrotal Sectore, alors en CDD non-renouvelable d’espion à la solde de l’ennemi, jugeait en effet que la création d’un blog était sans conteste la meilleure manière de nuire aux sordides intérêts capitalistes qui phagocytent notre capacité d’indignation au profit d’une consommation quotidienne excessive de Nutella.
Par la suite, le Never Trust dériva de sa forme primitive jusqu’à devenir le sponsor officiel de l’équipe nationale de badminton d’Andorre, avant une rupture de contrat tonitruante dont la presse sportive se fit violemment l’écho. Cet événement, sur lequel nous n’avons pas envie de revenir parce que nous n’avons pas assez d’imagination, nous amena à nous remettre en cause, puis à vite arrêter de le faire parce que ça donne la migraine. Aussi prîmes-nous le parti de dériver vers notre propre site Internet, avec son .com et tout et tout.
Aujourd’hui, le Never Trust est ce qu’il convient d’appeler un succès planétaire. Ce que ne manquera pas de nous confirmer Emmanuel Macron dès qu’il se sera décidé à décrocher son putain de téléphone pour nous appeler, bordel de merde on lui a texté le numéro hier soir. Courtisé par les plus grands, le Never Trust n’a cependant jamais dérogé à ses principes et a toujours pris soin de livrer à son public une information de qualité, vérifiée, argumentée, objective et essentielle. Sauf la fois où nous avons accusé Benjamin Biolay de cannibalisme, mais là c’était une faute de frappe.
Reste la question centrale : et maintenant qu’allons-nous faire ? Après dix ans d’excellence, allons-nous prendre le risque de nous flétrir, de nous étioler, de dépérir dix ans de plus ? Ne ferions-nous pas mieux de partir en pleine gloire, de tourner les talons face à la tentation de l’immortalité, d’accepter de remplacer Jean d’Ormesson à l’Académie française et, enfin, de jouir d’une retraite bien méritée ? Nous avons fait tant rire, nous avons donné tant de bonheur, à quoi bon nous répéter encore ?
Mais un coup d’œil rapide à l’actualité nous a soufflé la réponse. Une guerre mondiale en préparation, des émeutes de la faim à venir, des tempêtes et des inondations en prévision, Fukushima qui continue à fuiter, Emmanuel Macron qui ne nous appelle toujours pas et part en croisade pour l’Ordre moral, et puis l’écriture inclusive, et puis Cyril Hanouna, et puis Daech, et puis la maladie, la mort, la souffrance… Comment partir alors qu’il nous reste encore tant de raisons de nous marrer un bon coup ?
Le Never Trust a dix ans, et si vous ne nous croyez pas, vous allez voir vos gueules à la récré. Il est né sous Sarkozy, a survécu à Hollande, et aborde Macron avec d’autant plus de confiance que le Président a enfin fini par nous passer un coup de téléphone. Bon, il pensait appeler son tailleur, mais c’est le geste qui compte. Et si nul ne sait de quoi demain sera fait, nous espérons qu’il sera fait de soupe de potiron, dans laquelle les vieux croûtons que nous sommes flotteront avec joie. À dans dix ans et, plus que jamais, le Never Trust vous dit crotte !
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